Les pauvres empruntent souvent de l’argent pour joindre les deux bouts, mais leurs dettes ajoutent un fardeau qu’ils ont du mal à rembourser. Alors que ces personnes jonglent avec les problèmes financiers, une meilleure gestion financière – qu’ils peuvent apprendre grâce à l’éducation financière – devrait certainement contribuer à améliorer leur situation.
Mais cette logique ne tient pas compte du fait que la pauvreté a de nombreuses dimensions : le manque d’argent n’en est qu’une. Comme l’ont montré de nombreuses études (Banque Mondiale, Université d’Oxford, ATD Quart Monde), le manque d’accès aux infrastructures, à l’hygiène, aux centres de santé, le manque de réussite scolaire, d’alimentation équilibrée et suffisante, font partie de la pauvreté.
Par ailleurs, l’éducation financière ne s’attaque à aucune cause systémique de la pauvreté : savoir faire un budget et prioriser les dépenses ne compense pas un salaire qui n’est versé que de temps en temps ou des salaires inférieurs au niveau de vie. Cela ne facilite pas l’accès à l’eau et à l’électricité pour les personnes vivant loin du réseau. Cela peut même ralentir la mise en œuvre des mesures de réduction de la pauvreté lorsque les ressources sont consacrées à l’éducation financière alors qu’elles pourraient être consacrées aux infrastructures ou à la promotion de salaires décents, par exemple.
Cependant, pour les personnes juste au-dessus du seuil de pauvreté, celles qui commencent à gagner un salaire mensuel par exemple, l’éducation financière peut avoir un impact significatif. En gardant suffisamment de fonds pour leurs engagements, en évitant les prêts, en particulier pour les biens de consommation, et en faisant attention aux escroqueries, l’éducation financière peut aider les gens à rester au-dessus du seuil de pauvreté.
Par ailleurs, l’éducation financière devrait élargir sa portée et cibler les personnes et les entreprises fortunées pour les sensibiliser à leur empreinte financière : lorsque les plus riches s’efforcent de « bien » gérer leur argent et de réduire leurs dépenses, ils privent également les plus pauvres de revenus potentiels ; lorsqu’ils optimisent leurs impôts, ils les privent d’infrastructures et de protection sociale. L’éducation financière doit passer d’une vision individuelle de la gestion financière à une approche favorisant l’empathie financière : nous faisons tous partie d’un système financier interconnecté.