Mesurer l’impact de l’éducation financière

Vous avez organisé un programme d’éducation financière avec des familles et, quelques mois plus tard, vous les interviewez pour savoir quel impact cela peut avoir eu. Les personnes interrogées se souviennent de l’atelier, mais la plupart d’entre elles ne font pas de budget ; certaines ont parlé à leurs conjoints de ce qu’elles ont appris et la plupart sont intéressées à participer à un autre atelier. Vous n’êtes pas sûr de ce qu’il faut écrire dans votre rapport – il semble que la formation ait été au mieux « divertissante ».
Que pouvez-vous mesurer ? Devriez-vous mesurer ce que les participants se souviennent d’apprendre ou ce qu’ils appliquent réellement ? Devrions-nous utiliser les mêmes indicateurs avec tous les participants ? Quelle est la fiabilité des réponses des participants quand ils déclarent épargner plus ou avoir moins de dettes : est-ce vrai ou juste pour faire plaisir aux organisateurs de la formation ?
Que faut-il mesurer : Exécuter un programme sans en mesurer l’impact est un coup d’épée dans l’eau et le plus souvent un gaspillage de ressources. L’éducation financière n’y fait pas exception. Mais comment pouvez-vous mesurer son impact ? Ce que nous voulons mesurer renvoie à la première question que nous devrions nous poser avant de commencer un programme : pourquoi voulons-nous lancer un programme d’éducation financière ? Qu’en attendons-nous ? La littératie financière n’est pas un objectif, pas plus que l’inclusion financière (sauf pour les institutions financières). La toute première étape consiste à identifier les problèmes rencontrés par votre groupe cible qui pourraient être résolus par une meilleure gestion de l’argent. Une évaluation des besoins associée à des journaux financiers aidera à avoir une idée précise de ces problèmes. S’attaquer à ces problèmes vous donnera des objectifs d’apprentissage et des objectifs d’impact. Par exemple, si plus d’un tiers du revenu d’une famille est utilisé pour rembourser des dettes, votre programme se concentrera sur la façon de se désendetter, et l’impact peut être mesuré par la variation du montant de la dette et la variation du pourcentage du revenu. Pour aller plus loin, les journaux peuvent donner une idée des raisons pour lesquelles les familles empruntent – urgences ? Problèmes de santé récurrents ? Une mauvaise nutrition qui induit des maladies et affecte la capacité à travailler et à générer un revenu? Affinez votre programme pour résoudre ces problèmes. Même s’ils ne semblent pas être des problèmes financiers, ils ont un impact sur la situation financière de la famille. Ainsi, leur résolution peut également améliorer la situation financière de votre groupe cible.
Connaissance ou comportement : c’est bien si vous testez vos participants et qu’ils peuvent tous rédiger un budget, mais s’ils ne le font jamais pour leur propre argent, ou s’ils le font mais ne l’utilisent pas pour prioriser les dépenses, l’impact est nul. L’éducation financière a beaucoup à voir avec le comportement, et ce qui déclenchera en tout premier un changement de comportement est la motivation. Une façon de motiver vos groupes cibles est de les impliquer dans la construction de votre programme. Expliquez le projet et demandez-leur leurs commentaires dès le début, c’est-à-dire, comment ils veulent faire les journaux financiers et évaluer leurs besoins de formation. Analysez ensemble les journaux et discutez des problèmes les plus urgents ou les plus critiques à résoudre. Ne choisissez pas pour eux – laissez-les choisir ces problèmes, laissez-les identifier les lacunes de compétences ou de connaissances qui empêchent de résoudre ces problèmes, et comment ils envisagent un programme réussi. Oui, cela prend du temps et nécessite plusieurs rencontres individuelles avec les familles. Mais, vous voyez peut-être déjà ces familles régulièrement, et ce que vous allez obtenir, c’est leur motivation à résoudre leurs problèmes. De participants passifs à un atelier de formation qu’ils trouvent « bien » mais qui restent distants et dont ils n’appliquent rien une fois fini, vous les transformez en acteurs de leur propre changement : ce sont eux qui sont moteurs pour mettre en place le programme, eux qui décident ce qui doit être changé et eux qui choisissent ce qui les aidera à améliorer leur vie. Votre rôle est de fournir les connaissances et l’expertise.
Indicateurs personnalisés : vous pouvez vous retrouver avec des indicateurs différents, car les situations des familles sont différentes. Une famille, par exemple, veut réduire les dépenses de cigarettes, ce qui permettra d’épargner pour les frais de scolarité et d’arrêter d’emprunter chaque année pour les payer. Elle suivra donc le montant qu’elle dépense en cigarettes – c’est peut-être la seule dépense qu’elle suivra, et c’est très bien : le suivi n’est pas un objectif, mais un outil de sensibilisation aux habitudes de dépenses. Une fois qu’elle aura réussi à réduire les dépenses de cigarettes, la famille pourra être motivée à suivre d’autres voire toutes leurs dépenses. En les impliquant dans le choix de ce qu’ils veulent changer et comment le mesurer, la collecte de données peut être aussi plus précise : votre groupe cible ne vous donnera pas d’informations parce qu’ils le doivent (avec tous les biais potentiels sur la qualité et l’exactitude) mais parce qu’ils sont intéressés à savoir le résultat de leur gestion de l’argent. (À suivre…)
 

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